Alors que le soleil en lion met en tension ces géants que sont Jupiter, Uranus et Saturne, la pleine lune bleue en Verseau, ainsi que Neptune et Pluton, amènent des aspects plus fluides et plus joyeux.

Les mages et astrologues nous ont prédit de l’imprévu, de l’inattendu pour ce rayon de lune. Alors, est-il au rendez-vous dans vos vies, cet inattendu?

Pour ma part, c’est le moins que l’on puisse dire. Et je m’en viens vous livrer ici un bout de mon histoire familiale… je sais à quel point l’exercice est périlleux, ce genre de confession étant le plus souvent si peu intéressante pour qui y est étranger, et parfois si arrogante par la cuisse de Jupiter revendiquée, que quand je décèle ce patriotisme familial chez quelqu’un, je souris et m’en éloigne à pas feutrés.

Mais il se trouve que des amis chers à mon coeur, Joëlle et Jean-Marie que j’embrasse bien fort, m’ont mis entre les mains un excellent livre qui relate l’histoire familiale de l’auteur. Et que si une fois de plus, j’ai failli prendre mes distances, j’ai cependant persévéré, et ne le regrette point, découvrant qu’à travers l’histoire familiale, chacun et chacune peut se retrouver, et que la grande histoire s’insère dans la petite, qui la rend plus vivante. Il est vrai que cet auteur, ou plutôt autrice, a une plume remarquable et délicieuse, dotée de beaucoup d’humour et de prise de distance, qui rend l’oeuvre drôle et croustillante. Et si je n’ai absolument pas la prétention de rivaliser avec la plume de Mme Yourcenar, je peux en revanche lui témoigner ici toute ma gratitude et ma reconnaissance, car sans elle, les mots teintés des émotions qui vont suivre seraient restés dans les limbes du souvenir.

Clermont l’Hérault et St André de Sangonis sont des villes et villages où j’ai quelques racines de la lignée maternelle. Une lignée où les femmes ont connu leur part de souffrances, que je suis venue, à ma manière, nettoyer, « karchériser », relégant par la même occasion cette branche intergénérationnelle à quelque chose de flou, de non défini. Nettoyage ne serait-ce que par le fait que des deux filles de ma grand-mère, sont nés 4 enfants, dont je suis la seule fille, et que moi-même, j’ai engendré un garçon.

Une région que j’appréhendais comme une racine lointaine de mon existence, uniquement associée aux vacances dans le huis clos familial, aux parents-thèses de la vie.

Il y avait cette maison de St André que j’ai toujours connue, maison qui appartenait à mon arrière grand-mère paternelle, maison dans laquelle mon grand-père est né, puis mort. Elle avait été refaite par le beau-père de mon grand-père, mon arrière grand-père maternel, dont c’était le métier. Arrière grand-père que je n’ai pas connu, mais auquel je suis liée d’une manière très particulière, puisqu’il est décédé la veille de ma naissance.

Hier, en allant voir une amie soeurcière de Clermont l’Hérault, pour la première chez elle, quelle ne fut pas ma surprise, en arrivant sur son palier, devant sa porte d’entrée, lorsque j’ai découvert les carreaux de ciment posés là. Ces mêmes carreaux, mêmes motifs, qui ont bercé mon enfance, et porté, à peu de choses près, mes premiers pas ! Ces carreaux qui habillaient le salon de la maison de St André ! Le coeur battant soudain plus fort, je dis à Véro :

– Tu sais qu’il y a de fortes chances pour que ce soit mon arrière grand-père qui ait posé ces carreaux de ciment ici…

Ce à quoi elle me répondit :

– Il y en a aussi dans la maison, dans le salon.

Lorsque je me retrouvai dans le salon, la notion de « possibilité » s’était envolée, remplacée par celle de certitude. Carreaux assemblées au centre parfait de la pièce dans une figure en étoile se propageant telle une onde jusque dans les coins. Si les motifs du salon m’étaient inconnus, la technique en revanche, était sans appel. Ce savoir-faire, il n’y avait que le Papé Etienne qui l’avait, dans cette contrée, en ces temps là, avec ces carreaux de ciment-ci. Savoir-faire qui lui avait été transmis par son père, Fulcran, Compagnon du tour de France (La Scène de la cuisse de Jupiter,  c’est maintenant :D)

Moi sans voix, à contempler et fouler ces carreaux qu’il a posés de ses mains, dans un environnement hors contexte, hors bulle familiale, hors habitudes et tradition…

Ces carreaux que j’ai conservés dans ma mémoire et archivés comme remarquables lorsque, la maison vendue, je suis allée les prendre en photo…

Soudain, je prenais en pleine face et intégrais au coeur de chacune de mes cellules la signification profonde de l’expression « être une enfant du pays ».

Cet homme que je n’ai pas connu représentait beaucoup pour ma grand-mère qui avait perdu sa mère à l’âge de 4 ans, et dont la coïncidence de dates entre sa mort et ma naissance a cristallisé des tensions inconscientes mais éternelles entre cette grand-mère et sa petite fille, ce poil à gratter qui déjà, en venant au monde (et je vous épargne la suite), posait problème, cette enfant mal élevée qui eut l’outrecuidance de naître un jour de deuil. Cet homme dont la fille pleurait la perte le jour de mon arrivée est venu me rappeler que dans la lignée, derrière les couches de boue et de souffrance, se cachent parfois de miraculeux soleils.

J’écris ces lignes depuis St André, sur la terrasse d’une autre maison, baignée de lune, qui en allumant ses feux, éteint les étoiles et focalise toute l’énergie de la nuit dans son couloir lumineux.

Et je suis MERCI.

Crédit image : altered_images_ai

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