Si la musique des mots m’est connue, je ne sais en revanche ni lire ni écrire la musique des notes et des mélodies. Mais je sais écouter. Lorsqu’un morceau me transporte, je sais l’absorber, le réceptionner, le déguster, dans tous ses contours, toutes ses textures, toutes ses nuances. Il me faut l’écouter de nombreuses fois, encore et encore pour en saisir tous les détails, toutes les subtilités. Je me laisse couler dans le plaisir qu’il me procure, je suis en suspension, dans une écoute pleine et entière, jusqu’à ce qu’il fasse partie de moi.
Je ne peux dire mieux ici que TS Eliot dans the Dry Salvages :
« Musique si profondément entendue
Qu’elle n’est plus du tout entendue, mais que tu ES la musique
Tant que la musique dure »
Lorsque je fais un avec, la musique devient à mes oreilles ce que la caresse est à mon chat. Quelque chose de doux, d’agréable, de connu, de rassurant. Quelque chose qui peut me faire chanter, danser, ronronner.
Quelque chose qui peut faire partie de mon paysage sonore, de mon quotidien, qui peut me porter, me soutenir dans certaines tâches, à condition qu’elles ne soient pas trop gourmandes en concentration.
La musique me fait du bien. Elle est une nourriture, éthérique certes, mais indispensable pour moi. Un jour sans musique est une offense au monde désincarné. C’est l’un des trésors les plus précieux que j’emporterai avec moi lorsqu’il sera temps de quitter ce monde. Un monde où la densité de la matière est parfois un peu lourde, mais dans lequel nos sens nous offrent des cadeaux d’une valeur estimable lorsque nous savons nous en saisir et les recueillir au creux de nous. Des cadeaux qui viennent enrichir notre âme bien plus que tous les métaux lourds vils et moins vils de la planète.
Lorsque je ne peux pas écouter de musique pendant plusieurs jours, je suis mal, comme en apnée, comme en prison. Et je peux devenir lionne, griffer et mordre si on empêche mes oreilles de voyager.
Chaque saison, chaque période de la vie a ses musiques. Et lorsque je réentends une musique d’une période, c’est tout un chapitre qui surgit soudain dans ma mémoire. Des gens, des couleurs, des odeurs, des dialectes, des paysages, des émotions. Hier, c’est Goran Bregovic et Kayah que j’ai retrouvés comme un trésor enfoui dans mes tympans.
Curieusement, cette musique me rappelle… le Mexique. Ma meilleure amie Marie m’avait offert l’album avant que je parte vivre là-bas.
Ca fait chaud au cœur de regarder en arrière, toutes ces années parcourues, ce périple dans ce pays de mon cœur et de mon âme qui fait partie de moi depuis trèèèèèèèèèèèèèès longtemps, sur ces notes musicales à la fois joyeuses et rugueuses, sensuelles et brutales, burlesques et d’une douceur infinies, et cette amitié, toujours là, solide, fidèle, sereine, grandie, enveloppante. Il n’y a pas de hasard, que des rendez-vous 😉
Merci Merci Merci