La peur de mourir peut-elle engendrer la peur de vivre ?

Pourquoi cette interrogation ?

 

Peut-être parce que pour parler de la peur de manière juste et authentique, je devais contacter mes propres peurs. En prendre conscience, les identifier, les accueillir, parfois les accepter, d’autres fois les transformer. Ce qui est sûr c’est que les derniers mois et même les dernières années traversées ont été riches en peurs diverses. Peut-être aussi parce que la peur est une émotion qui a une place importante dans les fleurs de Bach.

La peur de mourir peut-elle engendrer la peur de vivre ?

Qu’est-ce que la peur ? Une émotion, l’une des 4 de base de l’être humain, avec la tristesse, la colère et la joie. Bah oui je sais, ce n’est pas juste. Il n’y en a qu’une de sympas pour trois pas rigolotes. Mais pour accéder à la plus sympas de manière durable, il faut connaître, traverser les 3 autres.

Vous savez, c’est la chanson d’Emmanuel Moire :

« il m’a fallu la peur, pour être rassuré,

j’ai connu la douleur, avant d’être consolé

il m’a fallu les pleurs, pour ne plus rien cacher

j’ai connu la rancoeur, bien avant d’être apaisé »

Physiquement, la peur est une réaction chimique qui crée une sécrétion d’hormones et d’émotions qui engendrent des actions / réactions. En d’autres termes, la peur est un garde-fou qui peut nous sauver la vie, en produisant l’adrénaline nécessaire pour nous donner la force de réagir face à un danger imminent. Donc oui, quand vous êtes au coeur d’une tempête, d’un incendie, d’une guerre, ou face à un agresseur, la peur est bien celle de mourir, et l’action / réaction qu’elle engendre est plutôt pour nous sauver la vie que pour nous la prendre. La peur de mourir dans l’instant engendre une réaction qui est plutôt due à l’instinct de survie, donc l’envie de vivre qu’à la peur de vivre.

Mais qu’en est-il lorsque nous quittons la réalité du présent et sommes tout à coup envahis par le passé qui remonte à la surface, ou la projection du futur ?

Le passé d’abord :

Certains qui ont côtoyé la mort de près, la leur et celle des autres, dans des situations violentes, témoignent à quel point leur vie a changé. A quel point la peur les habite en permanence, les hante. Et leur a fait perdre le goût de vivre.

Les attentats du 11 septembre, de Charlie Hebdo, le Bataclan, en ressortir vivant par miracle, et découvrir une multitude de corps allongés et sans vie autour de soi.

Les guerres : se trouver au cœur d’une explosion, en sortir indemne, et croiser à la sortie du nuage, le bras, la jambe, ou pire… d’un collègue, d’un ami, d’un frère.

Comment vivre après ça ?

Ces états portent un nom : le Stress post traumatique, qui peut engendrer des troubles graves du comportement, resurgir à tout moment, même très longtemps après le traumatisme. Des crises de colère, d’angoisses, des problèmes relationnels en famille ou dans le travail, des problèmes d’addictions, en résumé de la difficulté à trouver sa place et le goût de vivre.

Il existe des thérapies spécifiques  en psychologie, afin de reprogrammer la mémoire et de traiter ces traumatismes. En hypnose notamment.

Il existe également une « pilule de l’oubli » développée par des chercheurs scientifiques américains. Le souvenir factuel reste en mémoire, dans l’hippocampe, mais l’émotion associée, dans l’amygdale, est effacée par un beta bloquant.

Pour des cas aussi extrêmes, on peut se dire que cela se justifie. Mais ne serait-on pas en train de glisser vers le monde d’Aldous Huxley ? Les souvenirs constituent notre identité. Nous les stockons avec une appréciation émotionnelle et morale, dans deux endroits de notre cerveau, et c’est cette appréciation qui détermine notre appréciation personnelle, comme celle de toute une société. Si nous mettons l’inconscient en veille, si nous neutralisons ou effaçons nos expériences négatives, quelles seront les conséquences sur le long terme ? ça fait peur…

A l’inverse, côtoyer la mort de près peut engendrer envie de vivre, amour de la vie et gratitude. Ils sont nombreux ceux qui ont traversé des expériences de mort imminente, par la maladie ou l’accident, et qui reviennent transformés, avec un nouveau regard sur la vie, une nouvelle conscience, et beaucoup d’amour.

Le futur maintenant : La peur de ce qui risque d’arriver nous empêche-t-elle de vivre ? Certaines organisations font tout pour nous faire peur dans le but de nous empêcher de vivre. La peur est un outil de manipulation et de pouvoir.  Les attentats ont généré de nombreuses peurs, auprès des victimes, mais aussi auprès de nous tous. La peur de sortir de chez soi, la peur de laisser nos enfants. Les conséquences de ces peurs : le repli sur soi, la haine, l’intolérance, sont l’objectif des terroristes.

Mais la peur est un outil de manipulation pas seulement dans le terrorisme ou dans les états totalitaires ou en situation de guerre. Chez nous aussi, elle est présente, utilisée comme un levier fort lucratif, et parfois le seul argument, par beaucoup d’organisations.

Dans la santé, par exemple,  certains thérapeutes jouent sur la peur des personnes qu’ils ont en consultation pour s’assurer qu’ils reviendront. Si vous en avez un comme ça FUYEZ !

Les assurances aussi, par essence, ont fait de la peur leur modèle économique. Sans parler des vendeurs d’alarmes. Et la liste est longue.

Dans notre pays où nous avons la chance de vivre en démocratie, où la terreur ne fait pas partie de notre quotidien, la peur utilisée comme outil de manipulation sert à infantiliser les populations. A nous d’être vigilants de faire la part des choses, de ne pas nous laisser prendre notre pouvoir en nous laissant embarquer dans des manipulations collectives.

 J’ai beaucoup parlé de la peur de mourir, mais je ne pourrai faire le tour de ce sujet sans aborder frontalement, la question de la mort : Bien malin celui ou celle qui pourra définir la mort autrement que de manière très personnelle…

On peut dire sans prendre trop de risques que c’est un changement d’état, qu’on passe d’un état où la vie habite un corps à un état où la vie a quitté ce corps. On définit donc la mort par l’absence de la vie. Mais est-ce que c’est une étape dans le chemin, ou est-ce que c’est la fin ? question de croyances, question très personnelle.

Pour ma part, je ne crois pas que c’est la fin. Mais cela n’engage que moi.

Penser que c’est la fin, c’est considérer que toute chose a une fin, et cela pose alors la question du début, et / ou de l’infini, qui pourraient faire l’objet d’un très joli sujet à développer. Bien évidemment, cette perspective du néant fait terriblement peur.

Si l’on considère que ce n’est qu’une étape sur un chemin, cela peut faire peur aussi, toutes les religions l’ont bien compris, qui depuis toujours, nous menacent d’enfer, de jugement dernier, de sanction des âmes après la mort, et qui parfois, dans les extrêmes, au nom du paradis, incitent certains à commettre des actes horribles de terrorisme, de meurtres, de viol.

Sortons de ces menaces, et essayons de comprendre ce qui se joue si l’on prend la mort comme une étape.

C’est bien ce qui se passe avec l’arcane sans nom du tarot de Marseille.

Cet arcane porte le numéro 13, au centre entre le 1 et le 21.

La mort n’est pas vue ici comme une fin, mais comme une étape, un chemin de transformation, une révolution nécessaire au renouvellement et à l’élévation au-dessus de soi-même.

Il m’arrive de lui parler à la mort de temps en temps, ou plutôt, c’est elle qui me parle, et elle me dit : « n’oublie pas que tu mourras. Tu es éphémère. Je fais partie de toi. Pour bien vivre, tu dois m’accepter. Car c’est par moi que la vie prend tout son sens. Je suis le cycle, le mouvement, la permanente impermanence. Et je suis également l’éternité, de toi, de l’humanité, de la vie, de tous ces touts qui te survivront, qui te suivront, et qui t’ont précédée.

Me nier, c’est vivre dans la peur, et perdre les délices de l’éphémère. Pour capter les délices de l’éphémère, tu dois lâcher tes peurs au futur, et venir à la rencontre de l’intensité infinie du présent. Tu verras, la peur se diluera, et tu capteras la beauté merveilleuse et nourricière de l’instant. Regarde moi en face, et tu comprendras que c’est un miracle d’être en vie. Accepte moi, et tu parviendras à transformer la peur en gratitude. »

Oui, il se pourrait bien que la réponse à la question «la peur de mourir peut-elle engendrer la peur de vivre? » se trouve dans la temporalité.

Est-ce que l’émotion de peur que je ressens est liée à un danger présent et imminent, ou est-elle liée à une projection du futur que je me fais, lié à mon vécu, à mon système de pensée, mes croyances, ma personnalité?

La peur dans l’instant :

J’ai peur ici et maintenant, parce qu’il y a une grosse poutre qui est en train de me tomber dessus. je cours, je saute, je vole, j’esquive, et je dis merci à la peur, et vive la vie.

La peur du futur :

Je ne suis pas bien ici et maintenant, je suis malheureux, dans mon travail, dans mon couple, dans ma vie, mais je ne change rien, je suis immobile, paralysé, parce que j’ai peur de l’inconnu, j’ai peur de….

j’ai peur de demain…

j’ai peur de perdre. peur d’être seul, peur d’être pauvre, peur d’avoir faim, peur de manquer, peur d’être rejeté, peur d’être jugé, peur d’être. Peur de vivre. Et parfois même, j’ai peur de réussir, peur de passer de l’ombre à la lumière, peur de ma propre lumière.

Il ne s’agit pas de porter un jugement de valeur sur nos peurs, ni de se sentir coupables, ou faibles. C’est humain, nous avons tous des peurs. Même les irréductibles Gaulois, équipés de leur potion magique, qui n’avaient peur de rien, craignaient que le ciel leur tombe sur la tête… Ils avaient donc peur de la mort, et de la fin du monde…

Il s’agit d’accueillir cette peur, de la regarder, et de sortir la tête du sable, car souvent, la peur de demain nous fait faire l’autruche devant nos problèmes d’aujourd’hui.

Il ne s’agit pas de la rejeter, ni de la minimiser, encore moins de faire comme si elle n’existait pas.

Il m’est arrivé d’afficher un comportement sûr de moi, trop sûr de moi, alors qu’à l’intérieur, j’étais morte de trouille. Une façade, une protection, pour ne pas montrer ma peur. Nous vivons dans un monde où on nous a appris à réprimer la colère, à retenir nos larmes, et à cacher notre peur. « Même pas peur!!! C’est quelque chose qu’on entend souvent chez nos enfants… Finalement on nous a appris à être tout… sauf nous-mêmes. Notre premier réflexe est de chasser la peur, la repousser. Elle n’a pas le droit d’être. Elle est honteuse. Elle nous rend coupable. Nous devons l’occulter, la bloquer, la fuir. Elle nous rend vulnérable aussi, croit-on, alors, nous devons la cacher. Mais peut-être qu’au fond, nous sommes plus vulnérables en voulant la cacher qu’en l’assumant. Car en l’assumant, on la dilue, et paradoxalement, on réduit les interstices de nos failles.

Lorsqu’on ne veut pas aller la voir, on vit avec, on la subit. Alors elle nous mine de l’intérieur. Et elle nous empêche de vivre. En tout cas de vivre notre authenticité. Elle nous empêche d’être.

Accepter de montrer ses émotions, c’est accepter de se montrer tel que l’on est, avec ses faiblesses. Et pour en arriver là, cela passe par s’accepter soi-même, se regarder dans le miroir, trouver le chemin du pardon et de l’amour, et trouver le plomb au bout du fil qui nous permettra d’être à l’extérieur ce que nous sommes à l’intérieur. 

Avant d’achever ce travail, j’emprunterai cette citation à Frank Herbert dans Dune, qui me donne des frissons :

«  Je ne connaîtrai pas la peur, car la peur tue l’esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale. J’affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien. Rien que moi. »

En conclusion, à la question la peur de mourir peut-elle engendrer la peur de vivre, je dirais que cela dépend de chacun. La peur est une émotion humaine que nous connaissons tous et qu’il nous appartient d’identifier et d’accueillir.

Quand elle ne menace pas notre vie, parvenir à la transformer en quelque chose qui nous permettra de nous élever au-dessus de nous-mêmes est sans aucun doute un processus d’alchimisation relevant d’une belle et lumineuse victoire sur soi. Et l’allié numéro un pour ce travail d’alchimisation, c’est le présent, ou plutôt la présence. Les fleurs de Bach et les huiles essentielles, que je côtoie au quotidien, sont également des alliées pleines de douceur et de vérité pour nous accompagner, mais elles sont ce qu’est le bâton au marcheur : une aide précieuse certes, mais qui ne fera pas le travail à notre place.

Pour terminer cette réflexion, je choisis une question miroir : après « la peur de mourir peut-elle engendrer la peur de vivre ? », « la peur de vivre peut-elle engendrer la mort ? »

Pauline Dumail

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