J’approche de la grande descente. Le chemin m’offre une senteur qui est à mes narines ce que la madeleine est à Proust. L’odeur du figuier en pleine expansion, suave et gourmande, vient me dire la direction à prendre.

Nous y voici. Alors qu’un filet d’eau timide circule dans le canal où, enfants, nous péchions des têtards et des crapauds, la grande descente bordée d’arbres et de feuillages touffus nous accueille. Le terrain nu est à présent coupé en deux par un lac.

L’endroit est paisible, un figuier généreux rescapé trône au milieu, et au bord de l’eau, un petit ragondin vient nous honorer de sa présence en nettoyant consciencieusement son museau.

Je ferme les yeux à présent, et le paysage qui m’apparait est tout autre.

Je vois tout à coup l’immense potager de mon grand-père, les rangées d’aubergines, de haricots, de courgettes, de poivrons, et de tomates. Mmmm les tomates chaudes gorgées de soleil dans lesquelles nous croquions en guise de pique-nique.

Puis sur le côté droit, je vois des vignes à perte de vue, et je me revois petite fille, perdue dans leur grandeur mature de la fin août, et jouant à cache-cache avec mon frère et mes cousins. Une photo subsiste, du haut de mes 3 ans, avec mes bottes en caoutchouc, en train de « quicher » dans la benne. Et quand le grand-père nous prenait avec lui sur son tracteur… le bonheur était tel qu’on ne bougeait pas l’ombre d’un orteil, et qu’on osait à peine respirer, de peur qu’il nous fasse descendre.

Dans le fond, à l’emplacement du lac, s’étalait le verger. Il fallait le mériter pour y accéder, mais que de merveilles il recelait… cerisiers, abricotiers, pruniers, pêchers.

Demi-tour à présent. Un dernier regard à cette grande étendue avant de remonter le chemin. Et… oh! doux souvenir que ce banc qui n’est plus sur lequel nous avons fait maintes constructions du monde, et du figuier qui lui donnait de l’ombre et dans lequel nous avions construit notre cabane !

C’est la première fois depuis bien longtemps que nous sommes tous réunis, le grand-père en moins. Nous avons de l’argent dans nos cheveux, et nos enfants prennent maintenant la place que nous occupions jadis. Si ce n’est que… l’espace d’un instant,  une petite étincelle vient chercher nos propres enfants intérieurs et nous replonge avec délice dans l’insouciance du jeu et des rires. <3

Pauline Dumail

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